Sur mon île, flottante... 🌴

- C'est encore loin ? - Tais-toi et nage !

JALAPEÑEWS
2 min ⋅ 25/10/2023

PIMENT D’ESCAMPETTE

L’IMPOSSIBILITÉ D’UNE ÎLE ? ~ Toutes les îles se ressemblent. Une affaire de contrastes entre roches et mer, de trouées dans les nuages qui étalent sur l’eau des langues d’argent. À moins que ça ne soit la sensation de l’insularité, cette impression que la terre est si loin alors qu’on marche dessus.

J’ai toujours aimé les îles, qu’enfant j’allais chercher dans les livres de contes et les magazines de voyage. Un court roman intitulé L'année Zanzibar m’avait fait forte impression. L’histoire de deux gamin.es qui deviennent ami.es au milieu des oursins diadèmes et des poissons fluos de l’océan Indien. Je dévorais surtout les histoires de femmes pirates avec l’envie de larguer, comme elles, toutes les amarres (même si l’hygiène sur un bateau me posait question). Aujourd’hui, je n’ai pas lâché mon rêve ; je demande régulièrement et très sérieusement à mon mari quand il sera prêt à laisser Paris pour les Caraïbes, Tahiti ou même la Corse, pas pour la vie, mais pour un an ou deux, puis on refera ça dix ans plus tard, quand les enfants seront grands.

L’île bretonne de Bréhat, où nous passons quelques jours, est le parfait endroit pour relancer mon projet : alors, on part quand ? L'être aimé a, lui aussi, grandi dans le rêve d’un ailleurs marin, en version Tabarly, cartographie et vieux gréements. D’habitude, son écueil à mon projet est le timing : pas le bon moment niveau carrière, finances, vie de famille… Aujourd'hui, il est coincé : tout s’aligne pour qu’on puisse partir. Alors il a trouvé une nouvelle parade. “Plus ça va, m’a-t-il dit le nez face aux embruns, plus je me demande si ce truc n’est pas un fantasme imposé par le capitalisme. On te fait croire qu’il faut bosser à fond pour te payer ta dose d’exotisme. Tu prends l’avion, tu postes tes photos de plage sur Insta, tu rentres et tu recommences.”

J’ai failli rétorquer que pour nous, ça serait complètement différent, on aurait un projet green, on traverserait l’Atlantique à la voile pour jeter l’ancre de façon consciente, avec nos panneaux solaires sur le dos et sans abîmer les coraux. Une famille de hippies, quoi, et les hippies sont des gens si sympathiques.

Mais en fait, je n’ai rien répondu, parce qu’il a raison. Si toutes les îles se ressemblent, c’est sans doute qu’on nous les vend toutes pareil. Le soleil rend beau. La mer rend heureux. Et la vie est forcément plus douce ailleurs.

Je me demande à présent si pour nous autres, les gens du continent, l’insularité ne doit pas rester qu’une idée réconfortante. Ça existe, c’est beau et c’est tout.

Il me faudra sans doute du temps pour me faire à cette idée. Ou peut-être que je n’y arriverai jamais ? En attendant, j’essaie de profiter de l’île de Bréhat en acceptant que ça ne sera jamais chez moi.

Jalapeñews est une newsletter de Coline Clavaud-Mégevand. DA Chiara Vecchiarelli.

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Par Coline Clavaud-Mégevand

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